“Un uomo solo al comando, la sua maglia è bianco-celeste…” La mythique chronique radiophonique accompagne la légende de Fausto Coppi, lancé vers un nouveau triomphe au général lors de l’édition 1949, et celle de la Corsa Rosa, faite d’envolées légendaires qui distinguent les campionissimi du reste des cyclistes. Samedi, trois quarts de siècle après l’exploit de Coppi vers Pinerolo, Tadej Pogačar (UAE Team Emirates) s’est pleinement inscrit dans les traces légendaires de ses prédécesseurs en honorant le rendez-vous qu’il avait fixé de longue date avec Bassano del Grappa.
Le Slovène, dominateur à l’extrême depuis trois semaines, a conquis la double-ascension du Monte Grappa pour remporter la 20e étape du Giro 2024, sa sixième victoire dans cette édition, la cinquième avec la Maglia Rosa sur les épaules. On n’avait plus vu ça depuis Eddy Merckx en 1973. Son premier poursuivant au général, Dani Martinez (Bora-Hansgrohe), est repoussé à près de dix minutes (9’56’’). On n’avait plus vu ça depuis Vittorio Adorni en 1965.
Pour trouver des succès slovènes sur le Giro, il n’y a pas besoin de remonter aussi loin. Ils se sont accumulés depuis que Luka Mezgec s’est imposé à Trieste, en 2014, devant les yeux d’un tout jeune Pogačar venu assister à l’étape, et ils ont culminé l’an dernier avec le triomphe de Primoz Roglic sur les pentes de Monte Lussari, à la frontière slovène. Le Monte Grappa est un peu plus loins (environ 200 kilomètres) mais les compatriotes de Pogi, Rogla et les autres avaient encore fait le déplacement en nombre.
Quant à la dernière fois qu’on a vu un porteur de la Maglia Rosa imposer sa classe avec une telle autorité, on laissera à chacun le soin d’interroger sa mémoire et ses sentiments. À l’époque de Coppi, c’est la radio qui narrait la légende et mettait les tifosi en transe. Samedi, tout le monde a pu observer l’envol de Pogačar, ainsi que la belle résistance de Giulio Pellizzari (VF Group-Bardiani CSF-Faizanè). Et s’il ne doit rester qu’une image, ce sera certainement celle où le Slovène, en pleine ascension du Monte Grappa, a pris un bidon à un assistant pour le tendre immédiatement à un enfant qui courait sur le bord de la route. Un homme seul en tête, mais qui inspire les foules.