C’est déjà un phénomène, l’un des coureurs les plus forts du peloton. Mais, du haut de ses 22 ans en ce mois de mai 1968, Eddy Merckx est encore loin d’avoir démontré son potentiel sur les Grands Tours. Dans la foulée de son triomphe à Roubaix, il s’est présenté au Giro d’Italia dans son magnifique maillot de champion du monde. Beaucoup le considèrent comme le grand favori mais il n’a disputé qu’une seule épreuve de trois semaines jusqu’à présent, l’édition précédente de la Corsa Rosa, qu’il a terminée à la 9e place, avec deux victoires d’étapes.
Merckx est visiblement nerveux et, désigné par tous comme le grand rival des Italiens, il n’a aucune envie d’attendre, de se retrouver sur la défensive, contraint d’agir par réactions. Dès la 2e étape, Campione d’Italia-Novara, il montre immédiatement son étoffe de campionissimo et s’envole vers la Maglia Rosa, la première des 77 qu’il portera au cours de sa carrière (un record absolu).
Cette action en solitaire le deuxième jour a quelque peu choqué : les Grands Tours sont des courses à élimination, des épreuves qui sourient à ceux qui parviennent à économiser le plus d’énergie, à se cacher et à aborder les grandes montagnes aussi frais que possible. Au lieu de cela, Merckx a surpris l’Italie et le monde entier à la première occasion. Tout le monde ne l’a pas compris à l’époque, mais ce garçon était sur le point de faire entrer le cyclisme dans une nouvelle ère, celle du Cannibale.
Novara signe une page d’histoire du cyclisme en lançant la grande collection Rosa d’Eddy. Merckx “perdra” sa Maglia deux jours plus tard au profit de Michele Dancelli, avant de la reprendre sur les Tre Cime di Lavaredo, lors de la 12e étape. Dès lors, personne ne viendra perturber son avancée triomphale vers Naples, où il remporte le premier de ses cinq Giro.
