Le 9 mai 1978, la 2e étape du Giro d’Italia bat son plein. Elle conduit les coureurs de Novi Ligure à La Spezia pour un total de 195 km. Malheureusement, l’attention est ailleurs. À Rome, le corps sans vie du président Aldo Moro (Democrazia Cristiana), tué par les Brigades rouges, vient d’être retrouvé. Les coureurs l’ignorent évidemment et se battent comme à l’accoutumée. C’est un jeune homme de 20 ans, talentueux mais encore méconnu, qui s’impose au sprint, surgissant de nulle part pour devancer les principaux favoris. Il s’agit de Giuseppe Saronni.
Comme on pouvait s’y attendre, la joie de cette première victoire d’étape au Giro est amèrement brisée par la nouvelle brutale : pas de célébration, pas de podium, pas de fleurs et pas de baiser des miss. “Cette Italie enlève la magie de la course”, est la seule déclaration que Saronni, déjà très mûr pour son âge, fit.
Mais les louanges bien méritées pour le garçon de Parabiago (juste à côté de Milan) n’allaient pas tarder à arriver, car l’étoile montante du cyclisme italien allait remporter une nouvelle victoire dans cette édition de la Corsa Rosa, pour finalement prendre la 5e place au classement général, à 8’19” du vainqueur Johan De Muynck.
A 21 ans, Saronni comptait déjà plus de 25 victoires en tant que professionnel et 189 sur la piste. Un talent unique et universel ! Dans l’histoire de ce sport, rares sont les coureurs qui ont réussi à dominer les sprints massifs, à dominer les grands sommets, à s’imposer sur les classiques et les Monuments, et à devenir champion du monde. Mais parmi les innombrables chefs-d’œuvre de sa carrière, le premier est la Corsa Rosa 1979, qui marque aussi le début d’une inoubliable rivalité avec Francesco Moser.
Ce dernier, tout juste auréolé de sa victoire à Paris-Roubaix, était le grand favori de la Corsa Rosa, dont il portait la Maglia caractéristique pendant la première semaine e course pour affirmer sa force. Puis ce fut le tournant : le coup de Saronnni dans le contre-la-montre de 28 km à Saint-Marin. Beppe déclasse Moser, le laisse à 1’24” et vole vers la Maglia Rosa. Il portera ce symbole de puissance jusqu’au triomphe final à Milan, qu’il scellera avec une troisième victoire d’étape, dans le dernier contre-la-montre de Cesano Maderno à l’Arena, au milieu de dizaines de milliers de supporters en liesse. Seuls Fausto Coppi en 1940 et Luigi Marchisio en 1930 avaient remporté le Giro à un plus jeune âge. “La joie d’un garçon de 21 ans rentrant chez lui avec ce maillot est tout simplement indescriptible”, a récemment déclaré Saronni.
Pour autant, l’histoire d’amour de Saronni avec la Corsa Rosa ne faisait que commencer, puisqu’en 13 participations, il allait remporter 24 étapes, finir sept fois dans le top 10 du classement général et monter quatre fois sur le podium. Après sa victoire en 1979, Saronni a également remporté l’édition 1983. Moser abandonne et Saronni prend la Maglia Rosa dès la 7e étape. Il doit repousser les attaques de Roberto Visentini. Malgré un rhume tenace et une bronchite, ainsi que la fameuse tentative d’empoisonnement à la veille de la dernière étape, lorsqu’un industriel lombard proposa à deux serveurs d’un hôtel de Gorizia deux millions de lires pour mettre du laxatif dans le dîner du coureur (les deux hommes alertèrent la police qui arrêta la tentative), Saronni arriva à Udine en vainqueur et inscrivit une fois de plus son nom dans la légende.
Beppe entrera bientôt dans le Hall of Fame du Giro d’Italia lors du Festival dello Sport de Trente. Il recevra ce qui est devenu le symbole de la victoire sur la Corsa Rosa, le Trofeo Senza Fine, offert aux vainqueurs depuis 1999. Ce trophée, ainsi que les innombrables autres qu’il a obtenus, lui rappelleront à jamais ce qu’il a fait et ce qu’il représente pour le cyclisme.
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