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    Les mauvaises normes

    10/05/2021

    Taco van der Hoorn a remporté la 2e étape du Giro d'Italia au bout d'une échappée à laquelle il ne croyait pas lui-même.

    Taco van der Hoorn a passé deux ans chez Jumbo Visma et il dit qu’il a aimé travaillé comme domestique pour Wout Van Aert, mais on lui a promis plus de liberté chez Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux.

    De la liberté ? Personne ne lui a dit qu’il était possible de mesurer en temps réel sa température, ses niveaux de glucose dans le sang et de les relier à sa puissance ? Ou que, de toute façon, les intensités d’efforts étaient comparées à l’écran pour mieux démonter la futilité des échappées quand, au coeur du peloton, il suffit de quelques dizaines de watts pour reprendre les échappées qui se démènent ? Qu’une nuée satellites plane au-dessus de sa tête pour relayer les données des coureurs, leurs positions, et permettre aux techniciens de calculer la vitesse à laquelle il va être repris ? En somme, personne ne lui a dit qu’il n’y avait plus de mystère, plus de hasard, plus de liberté ?

    On parle de “nomolatrie” : l’idée (dans la vie comme dans le sport) selon laquelle le monde, dans son infini variété, peut être codifié d’une façon unique qui déterminera comment agir dans chaque situation. Un abrutissement.

    L’échappée du jour était certainement remplie de sceptiques. Vincenzo Albanese et son équipier d’Eolo-Kometa Samuele Rivi, qui fêtera son 23e anniversaire mardi, étaient là pour prendre un maximum de points de la montagne pour garder la Maglia Azzurra aussi longtemps que possible. Simon Pellaud et son jeune protégé au sein d’Androni Giocattoli – Sidermec Andrii Ponomar (18 ans) venaient glaner des kilomètres d’échappée pour le prix Fuga Bianchi, des points pour le prix de la combativité dans les sprints intermédiaires et au sommet des ascensions répertoriées. AG2R-Citroën, Groupama-FDJ et Intermarché, trois formations WorldTour sans sprinteurs ou leaders pour le général, avaient lancé des coureurs à l’avant en quête d’inspiration.

    À 50 km de l’arrivée, les Bora-Hansgrohe ont fait bloc en tête de peloton, déterminés à reproduire les stratégies qui n’ont pas fonctionné sur le Tour de France 2020. Il fallait imposer un rythme suffisamment élevé pour que les sprinteurs lâchent, mais l’équipe s’est épuisé et Peter Sagan manquait de soutien dans les derniers kilomètres. Le Slovaque s’est joliment débrouillé, deuxième du sprint derrière Davide Cimolai. Mais le peloton se battait seulement pour la deuxième place : devant, Taco van der Hoorn s’était offert la liberté. Après s’être épargné des efforts répétés dans les différents sprints et côtes au fil du parcours, il a suivi l’irrépressible Simon Pellaud, Suisse de naissance et Colombien d’adoption, parti dans la dernière ascension du jour en direction du sprint intermédiaire de Guarene. Le Néerlandais relayé son rival avant de le planter à 7km du but.

    “Je suis un peu plus lourd et je pense que ma position aéro était un peu meilleur, donc j’ai pu… Il était fatigué et je l’ai lâché, et j’ai entendu à la radio que j’avais encore 40” ou quelque chose comme ça et j’y suis allé à fond jusqu’à la ligne. Je ne pouvais pas y croire.”

    À un kilomètre du but, et avec un avantage de 14”, le peloton dans son sillage, il a suspendu son incrédulité et découvert des ressources inaccessibles pour les coureurs qui ont passé toute l’étape à préserver leurs forces dans le peloton, conformément aux règles de la “nomolatrie” : une rage légitime, une confiance confinant à l’irrévérence : “J’ai regardé derrière moi et je me suis dit : ‘Oh p***** ? Je vais le faire, p*****!'”

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