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    La force de l’esprit

    24/05/2021

    Egan Bernal semble rencontrer de nouveaux adversaires chaque jour sur le Giro.

    À Montalcino, c’était Emanuel Buchmann, Aleksandr Vlasov à Campo Felice, Simon Yates sur le Zoncolan, et aujourd’hui Damiano Caruso et Romain Bardet. À chaque fois, la réponse est la même. “Je voulais montrer que j’étais toujours là”, a-t-il expliqué après l’étape.

    En cette journée où Egan Bernal voulait accomplir “quelque chose de spécial” (“ce n’est pas tous les jours que vous gagnez une étape du Giro avec la Maglia Rosa”, observait-il à l’arrivée), la pluie, la neige et les températures glaciales ont obligé les organisateurs à changer le parcours, et une boucle de 59km avec le Passo Fedaia (Cima Pantani ) et le Passo Pordoi (Cima Coppi ) s’est envolée. En compensation, 800m étaient ajoutés dans les premiers 8km pour passer par Colle Umberto, la ville d’Ottavio Bottecchia, le premier Italien à remporter le Tour de France.

    Ce n’est pas tout ce qui s’est envolé sur la route de Cortina d’Ampezzo. En l’absence d’hélicoptères pour relayer le signal télévisé, nous étions privés de ce que nous chérissons le plus : des preuves visibles. On oublie à quel point nos yeux peuvent nous tromper, surtout lorsque l’objectif des caméras passe par là. Les pentes s’adoucissent, les vitesses diminuent, les écarts sont réduits et l’humidité, le froid et la tension restent hors-champ. Les impressions transmises par les images télévisées sont une illusion. Quand elles disparaissent. plutôt que s’arracher les cheveux de frustration, nous devrions lever les bras et redonner libre cours à notre imagination.

    Le commentateur le plus emblématique des premiers jours de la Vuelta a Colombia était un Costaricien, Carlos Arturo Rueda, qui, en l’absence d’informations en temps réel, s’appuyait sur des notes qu’on lui transmettait à l’occasion sur un bout de papier pour offrir un compte-rendu fascinant de la course. Son nom est encore révéré, y compris par ceux qui ne l’ont jamais entendu, et il n’est pas impossible que ses mots aient marqué bien plus profondément les consciences justement parce que, sans retransmission objective des événements, ils exigeaient des auditeurs qu’ils utilisent non seulement leurs yeux ou leurs oreilles, mais aussi leur imagination.

    De temps en temps, lorsqu’une image nous parvenait, on distinguait Amanuel Ghebreigzabhier travaillant pour son leader Vincenzo Nibali dans une échappée de six hommes qui comprenait également Davide Formolo, João Almeida, Antonio Pedrero, et Gorka Izagirre, qui doit garder des souvenirs vivides de l’ascension du Stelvio en 2014, lorsqu’il portait de la nourriture à bouche de Nairo Quintana avec ses doigts gelés, avant de voir le Colombien s’imposer à Valmartello et prendre la Maglia Rosa. Les conditions étaient encore pires qu’aujourd’hui.

    À 60km de l’arrivée, l’avantage des six atteignait 5’53”. Il fallait 10km pour ramener cet écart à 4’20”, 10 de plus pour passer à 4’03”, et encore 10 pour chuter à 1’38”. Le groupe Maglia Rosa était alors en lambeaux : Vlasov avait disparu, Yates perdait du terrain, Martinez tenait bon pendant que le surprenant Simon Carr faisait le tempo pour Carthy. Quand le jeune Franco-Britannique s’est écarté, Dani Martinez en a fait de même et Egan Bernal a accéléré vers le Passo Giau, avant de plonger vers la ligne, prouvant à Tadej, Primož et au monde entier qu’il est de retour.

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